Chiara Bortolotto est titulaire de la Chaire Unesco Patrimoine culturel immatériel et développement durable à CY Cergy Paris Université, au sein de l’UMR Héritage. A ce titre, elle coordonne la formation Patrimoine culturel immatériel (PCI) et développement durable (DD), dont la première session s'est déroulée en mai à Salagon (Alpes-de-Haute-Provence).
Elle présente, dans cet entretien, le positionnement, les enjeux et les actions mises en œuvre au sein de la Chaire Unesco et comment les professionnels du patrimoine peuvent agir.
Le service de la formation continue du département des conservateurs programmera une nouvelle session de formation, sous le format d'une "École d'été du PCI", en 2025 en collaboration avec la chaire Unesco et la mission PCI du ministère de la culture.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le positionnement, les enjeux et les actions mises en œuvre au sein de la Chaire Unesco ?
La chaire s’attache à comprendre la relation entre PCI et DD. D’une part, en observant comment les acteurs sociaux et institutionnels se saisissent du PCI, nous interrogeons le potentiel du PCI pour penser ou repenser le DD. D’autre part, nous analysons l’impact du discours du DD sur les représentations du patrimoine et interrogeons l’évolution des usages sociaux et politiques qui en découlent.
À travers des activités de formation, de coopération internationale, de recherche et d’accompagnement des acteurs du patrimoine dans leurs projets, la chaire a l’ambition de favoriser des démarches interdisciplinaires et intersectorielles. Elle contribue ainsi à structurer le partenariat avec des institutions et organismes nationaux et régionaux par la collaboration scientifique, par l’enseignement, notamment aux niveaux Master et Doctorat, par la formation continue, conçue à l’attention des professionnels et des acteurs du patrimoine, et par une réflexion coconstruite avec les représentants de la société civile. La collaboration étroite avec d’autres chaires UNESCO sur le PCI permet de concevoir les activités de la chaire comme des projets en réseau à l’échelle internationale.
Comment les professionnels du patrimoine peuvent-ils agir ?
Le PCI est un domaine émergeant dont les frontières restent largement à définir et les méthodologies à inventer. Comme dans tout chantier d’expérimentation il y a là une marge de manœuvre qui permet de faire évoluer les approches et de repenser les fonctions du patrimoine.
En effet, défini par son caractère « vivant », fondé sur des relations profondes et intrinsèques avec l’économie, l’environnement et la société, le PCI fait ressortir de façon particulièrement explicite de nouveaux enjeux, y compris de durabilité, qui dépassent largement ceux classiquement associés à la conservation. Cela veut-dire, concrètement, que le PCI devient potentiellement une ressource qui contribue à faire face aux enjeux contemporains en termes environnementaux, sociaux et économiques.
Les professionnels du patrimoine peuvent donc se saisir du patrimoine immatériel pour promouvoir des approches alternatives à la gestion des ressources naturelles, au bien-être et à la santé, et à la génération des revenus.
Quel est le bénéfice attendu de la formation que vous avez élaboré avec l’Inp pour les stagiaires ?
L’objectif de la formation est de questionner, voire de déstabiliser, les approches habituelles des professionnels du patrimoine faisant ressortir, à partir d’exemples concrets, la spécificité du paradigme de la sauvegarde par rapport à celui de la conservation. Il ne s’agit pas uniquement de présenter des nouveaux concepts, approches et méthodologies mais aussi de travailler avec des praticiens dans des domaines aussi diversifiés que l’herboristerie, la construction en terre crue ou la foresterie pour décortiquer la complexité pratique de la sauvegarde du PCI et faire ressortir les controverses qu’elle peut engendrer. Ce parcours a l’ambition ultime d’encourager les stagiaires à s’approprier les concepts et expériences en cours du PCI pour l’adapter à leurs terrain respectifs.