Dans le cadre de l’amélioration de l’insertion professionnelle des restaurateurs diplômés de l’Inp, la formation s’applique à s’adapter aux réalités du terrain. En juin 2024, il a été possible d’organiser un chantier-école d’étude sur les décors peints du château de Bruniquel pour former spécifiquement aux techniques de la conservation-restauration de peintures murales.
Avec le départ en retraite des premiers diplômés et les évolutions suivies par les quatre formations d’État, des viviers professionnels dans certains domaines du patrimoine sont en cours de tarissement. C’est le cas de la peinture murale et en particulier lorsqu’il s’agit de décors réalisés avec une technique minérale ou mixte sur un support minéral (pierre, enduit).
C’est pourquoi le département des restaurateurs accompagné de ses intervenantes spécialisées en peinture murale et des enseignantes de la spécialité peinture a à cœur de permettre à ses étudiants et étudiantes de bénéficier d’une expérience professionnelle sur ces techniques et supports. La formation en chantier-école est indispensable pour permettre aux étudiants de comprendre le lien intrinsèque existant entre la peinture murale et le mur, mais entre la peinture murale et l’ensemble du bâtiment qui l’abrite.
Les spécificités de la conservation des peintures murales
L’étude stratigraphique est la première étape d’une étude de peinture murale. Dans une première phase, il s’agit de recenser, décrire et documenter précisément l’ensemble des couches superposées sur les surfaces architecturées, depuis la maçonnerie jusqu’à la couche de surface. La multiplication des points d’examen stratigraphique permet de repérer et de relier entre elles l’ensemble des couches techniques présentes. La synthèse finale des informations recueillies permet de retracer l’histoire des décors peints d’une salle ou même d’un bâtiment tout entier, en la liant à l’évolution de l’architecture du bâtiment au cours du temps. Cette connaissance fine des décors peints ou des fragments de décors peints conservés est un préalable nécessaire à toute prise de décision de conservation et de restauration.
Cet exercice intellectuel très exigeant présente un véritable défi pédagogique puisqu’il faut que les étudiants comprennent l’exercice, le mettent en pratique mais ne soient pas perdus par la masse d’informations à recueillir sous peine de rendre l’exercice contre-productif. Les objectifs pédagogiques sont d’apprendre aux étudiants à savoir regarder et décrire précisément les matériaux et les surfaces architecturées, à collecter et ordonner rigoureusement les informations recueillies, à documenter graphiquement les données (relevés graphiques, prises de vue, schémas), à savoir synthétiser un nombre très important de données complexes, et enfin à être en mesure de restituer clairement et simplement les conclusions de l’étude à un tiers.
Le chantier-école au château de Bruniquel
En juin 2024, il a été possible d’organiser un chantier-école d’étude stratigraphique mais aussi de traitement curatif de consolidation sur les décors peints du château de Bruniquel. Il a eu lieu du 24 au 28 juin 2024 et a réuni des élèves de la spécialité Peinture de 2ème et 3ème année sous l’encadrement vigilant de Claire Dandrel et Diane Henry conservatrices-restauratrices de peintures murales.
Ils sont intervenus sur les parois de la salle dite Offenbach au 2ème étage du château dit « jeune » un édifice construit entre 1485 et 1510 en face du château « vieux », appartenant à la même famille, celle des vicomtes de Bruniquel après avoir été la propriété des comtes de Toulouse. Le château « jeune » a notamment subi des transformations liées au taux d’imposition sur les ouvertures qui conduit le vicomte propriétaire des deux châteaux à la fin du XVIIIème siècle à murer les fenêtres.
Le château a ensuite été abandonné pendant deux siècles, la famille n’occupant plus que le château « vieux ». Actuellement propriété de la commune, il a été classé en 1840 au titre des monuments historiques par Prosper Mérimée en même temps que le château vieux. Le contrôle scientifique et technique de l’Etat est assuré par la conservation régionale des monuments historiques de la DRAC Occitanie représentée par Manon Vidal et Fabien Foudral respectivement conservatrice du matrimoine et ingénieur.
Les élèves de 2ème année se sont formés à l’étude stratigraphique, exercice qu’ils découvraient. Dans la mesure où la stratigraphie générale de la salle était trop complexe pour qu’ils puissent l’appréhender et en rendre compte en une semaine, l’objectif qui leur a été assigné était de comprendre et documenter parfaitement le décor peint original, en étant capable de restituer également l’aspect architectural de la salle au moment de la réalisation de ce premier décor.
Les élèves de 3ème année ont, de leur côté, décrit et analysé les altérations des enduits peints du XVIème siècle, et mis en œuvre des interventions de consolidation par injection de coulis de chaux nécessaires pour les sécuriser, en prévision de futurs travaux d’aménagement. En effet, la mairie envisage d’installer dans le château « jeune » un centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine.
Un chantier-école en général et en peinture murale en particulier est une opération complexe à organiser mais particulièrement pour ce type d’exercice puisque la problématique doit être dimensionnée, le temps de chantier et l’encadrement adaptés. Par ailleurs la logistique comprend non seulement le transport et l’hébergement mais également la fourniture d’un échafaudage. Cette organisation implique donc une forte implication du propriétaire du lieu d’accueil, ici la mairie de Bruniquel.
Le propriétaire bénéficie ici d’un travail concret de consolidation d’urgence des enduits peints les plus fragilisés, qui menaçaient ruine, et qui se détérioraient rapidement sur les dernières années. Il a reçu aussi les résultats de l’étude partielle de la stratigraphie des décors peints, le temps limité et la difficulté de l’exercice n’ayant pas permis la réalisation d’une étude stratigraphique exhaustive.
Mais Mme Christiane Soulié Maire de Bruniquel y voit d’autres motivations. D’abord elle est sensible aux questions d’apprentissage et était heureuse de permettre une expérience professionnelle à des jeunes motivés. Par ailleurs ce travail a permis aux élus et aux agents d’accueil du château de prendre conscience que les murs conservaient encore de très nombreuses traces de l’histoire, qu’il fallait apprendre à faire parler pour qu’elles racontent l’histoire du château et de ses décors. A la fin de la semaine, les élèves ont en effet présenté in situ la méthode et les résultats de leur travail, que l’ensemble de l’auditoire a trouvé passionnants. Elle conclut qu’il s’est agi d’une expérience très enrichissante tant du point de vue humain que patrimonial.
L’Inp adresse donc ses plus vifs remerciements à la commune de Bruniquel pour cette opportunité.
